Jim Curious, Voyage au coeur de l’océan est un livre pas comme les autres. D’abord, parce qu’il nécessite un accessoire pour être lu: des lunettes 3D ! Et ensuite parce que la technique de dessin utilisée par Matthias Picard est unique et très travaillée. Cet album jeunesse hors norme a contribué à lancer le succès des Editions 2024, créées en 2010. Des années plus tard, la maison d’édition a remporté de nombreux prix et publie de prestigieux artistes, et l’album de Matthias Picard est un succès international traduit en plusieurs langues. Le nouveau volume des aventures de Jim Curious, Voyage à travers la jungle, est paru en 2019. La popularité de la série ne décroît pas et à raison. Son format unique en 3D est une formidable régression pour les parents ayant connu les prémisses de la 3D et une belle expérience pour les enfants.

Jim Curious est un explorateur. Toujours muni de son scaphandre, il part ici explorer les tréfonds de l’océan. A son entrée dans l’eau, tout prend une nouvelle dimension. Au fil de sa descente, la présence de l’homme s’efface pour laisser place à des créatures de plus en plus étranges et à des vestiges du temps. Le plongeur-explorateur s’enfonce et s’enfonce dans ce monde silencieux.

Ce récit graphique est sans paroles, rendant accessible l’intrigue à tous laissant au crayon de l’illustrateur toute sa place pour s’exprimer. Après le plongeon, nous nous retrouvons au milieu d’une déchetterie océanique, puis nez à nez avec un requin, puis nous rejoignons une nature intouchée malgré la présence de l’homme qui se fait ressentir. Ce n’est pas une vision idéalisée de l’océan mais sans pour autant être un plaidoyer pour la protection de l’environnement. A travers les pages, le lecteur peut presque entendre le silence et les bruits sourds émanant des mouvements du plongeur. Jim Curious continue à descendre au fond de l’océan, croise même un vieux bateau (et notre imagination de penser “Des pirates !”), mais le héros continue son exploration passive sans interagir avec son environnement, tel un spectateur. Ses découvertes se font de plus en plus impressionnantes, en passant d’une baleine à… l’Atlantide ! C’est dans la découverte de ce lieu que l’effet 3D nous plonge réellement dans un monde parallèle, comme dans un rêve. La seule interaction qu’a Jim avec son environnement est à la toute fin du récit, lorsqu’il retire le bouchon au fond de l’océan qui lui permet de revenir à la surface, comme dans une baignoire géante.

La technicité des illustrations sert l’histoire. Les images dans Jim Curious ne sont pas simplement le résultat d’un traitement numérique mais d’un véritable travail artisanal. Damien Canteau du site Comixtrip explique: “Grâce à un verre rouge et un verre bleu, le cerveau interprète l’image en relief. Il a fallu beaucoup de temps à l’auteur pour réaliser cet album, à raison d’une seule page par semaine. Pour cela, Matthias Picard utilise la technique du grattage, qui consiste à enduire une feuille plastique d’encre de chine puis avec un scalpel d’enlever des morceaux de noir pour laisser apparaître des surfaces blanches. Chaque image est composée de plusieurs films plastiques qui correspondent aux différents plan de l’image. Ils sont ensuite scannés et recomposés par ordinateur. L’illustration bleue est légèrement décalée par rapport à la rouge, ce qui donne l’effet relief.” Pour aller plus loin, la ville de Schiltigheim en Alsace, qui a accueilli une exposition pour Jim Curious à travers la jungle a mis en ligne un document très complet mêlant interview de l’auteur, histoire de la 3D et les coulisses de la confection de l’album à retrouver ici.

Après Jim Curious au cœur de l’océan puis à travers la jungle, retrouverons-nous notre héros en scaphandre dans l’espace, au Pôle Nord ou dans le désert ?