L’album Poulette signe le second partenariat entre l’autrice Clémence Sabbagh et l’illustratrice Magali Le Huche. Le duo a en effet déjà travaillé ensemble sur La Grande course des Jean, un récit plein d’humour sublimé par des illustrations aux couleurs éclatantes. Ce commentaire sportif digne des plus grands évènements athlétiques décrit avec beaucoup d’humour cette grande course et ses participants, plus amusants les uns que les autres. Dans Poulette, il est également question d’une course, mais d’une autre nature.

Véritable allégorie de notre temps et de nos vies (hyper)actives, cet album suit les aventures, et mésaventures, d’une poule pas comme les autres. Gervaise parviendra-t-elle enfin à ralentir ?

Si l’on évoque une ville qui fourmille de monde, de personnes courant partout et surbookées, il y a de fortes chances que la ville de New York nous vienne en premier à l’esprit. Bien que la ville natale de Gervaise ne soit pas nommée, les bâtiments gris dessinés sur les premières pages, et le grand parc qui le jouxte, nous fait immédiatement penser à New York ou à une grande capitale. Dans les illustrations de Magali Le Huche, on devine en arrière-plan les silhouettes des buildings. Le décor est planté. Nous sommes dans, comme le disait Frank Sinatra, the city that never sleeps, la ville qui ne dort jamais.

C’est probablement le cas également pour Gervaise, la poulette héroïne de ce récit. Elle se multiplie et démultiplie au fil des pages, étant partout à la fois et présente pour tout le monde. Clémence Sabbagh décrit ses actions avec des expressions parfois désuètes, ce qui rend sa course d’autant plus amusante. Même pour partir en vacances, Gisèle “court à toute berzingue”. Et ce n’est pas son arrivée sur son lieu de vacances qui ralentira son rythme. Le lecteur est emporté avec elle dans ce foisonnement d’activités, cet ouragan de choses à faire, marqué par diverses onomatopées. Les pages de l’album fourmillent de détails et l’on y reconnait la palette de couleurs privilégiées de Magali Le Huche, similaire à son travail dans sa BD autobiographique Nowhere Girl.

La poule Gisèle contrôle tout mais l’arrivée d’un ouragan, le phénomène météorologique cette fois-ci, va la forcer à reconsidérer son style de vie. Elle ne gère plus la situation, n’est plus maîtresse de ses actions et s’en retrouve perdue, sur une île déserte. L’arrivée de nouveaux personnages dans son cercle va lui permettre d’envisager la vie différemment. Ce changement de rythme de vie se ressent d’abord physiquement, à travers la coupe de cheveux de la poule, qu’elle conservera même à son retour en ville. Ce ne sera pas la seule chose qu’elle gardera de son voyage, une meilleure appréciation du temps qui passe lui permettra de réduire son rythme de vie et d’apprécier chaque petit moment de son quotidien.

Notre héroïne mène une vie active, très active, trop active ? Les enfants pourront peut-être s’amuser à reconnaitre le train de vie de leurs parents dans ce récit à cent à l’heure, ou se verront eux-mêmes en Ginette dont les journées sont aussi remplies de nombreuses activités. Sans se vouloir fervent défenseur du slow movement, cet album nous rappelle toutefois qu’il faut parfois prendre le temps de vivre.